Dans ce contexte, faites un état de vos stocks, anticipez les délais de livraison et n’hésitez pas à regrouper vos commandes.
Votre URPS CD ARA reste à votre disposition pour vous accompagner !
Dr Béatrice Aldeguer : Le problème est avant tout démographique. Toute une génération de chirurgiens-dentistes, celle des baby-boomers, arrive à la retraite et n’est pas remplacée. Les pouvoirs publics n’ont pas anticipé le phénomène, pourtant connu. Et le renouvellement n’est plus assuré de manière optimale, du fait de la réduction des portes d’entrée dans la profession par le numerus clausus, mais aussi par la philosophie de travail totalement différente des nouvelles générations. Les nouveaux chirurgiens-dentistes ne veulent plus s’investir autant et travailler cinq à six jours sur sept. Ajoutez à cela le phénomène de déserts médicaux, des structures de moins en moins nombreuses, un retard de soins lié à la crise sanitaire et une absence de prévention qui accentue les problématiques bucco-dentaires, et l’on arrive à une situation intenable, avec des cabinets surchargés de demandes auxquelles on a le plus grand mal à répondre.
Actuellement, il n’y en a pas. Il faudrait doubler le nombre de chirurgiens-dentistes, mais encore faudrait-il s’y prendre de manière judicieuse. On crée des facultés, mais il n’y a pas de crédits pour les faire fonctionner et de professeurs pour assurer les formations. On parle d’obliger les jeunes à s’installer, mais la coercition ne marche pas. Et les jeunes, aujourd’hui, préfèrent s’installer en centre dentaire plutôt qu’en libéral… Il faut arriver à mettre en place des dispositifs véritablement incitatifs.
Globalement oui. Pour soigner une dent, il faut deux mains et du temps qui, malheureusement, est incompressible. Face à la demande, les chirurgiens-dentistes doivent gérer leur patientèle habituelle, mais également la patientèle nomade, constituée par tous les patients qui ont vu leur praticien partir à la retraite ou qui n’ont jamais eu ‘’leur’’ chirurgien-dentiste. Toutes ces personnes demandent à être soignées.
Il faut arriver à faire la part entre les urgences justifiées, que l’on assure sans problème, et les autres, qui n’en sont pas vraiment. Le problème, c’est que de plus en plus de patients exigent une réponse immédiate et vivent mal un éventuel refus. En Isère, où j’exerce, nous avons mis en place une régulation spécifique, qui révèle d’une part que le nombre de ‘’fausses’’ urgences est très élevé, et d’autre part que les ‘’vraies’’ urgences sont parfaitement bien traitées.
Cela se traduit par des agendas surchargés. Là où auparavant, nous avions des délais de prise en charge de deux à trois semaines, on en arrive à des listes d’attente de quatre à six mois ! Et si le praticien ne s’organise pas, il fait face à une pression quotidienne terrible. Du coup, on passe notre temps à dire non, ce qui n’est pas facile pour un soignant, et qui entraîne parfois chez les patients de vives réactions, de la colère, de la frustration, voire des incivilités. Et multiplier les consultations accentue la fatigue, voire l’épuisement physique et moral des praticiens.
C’est nécessaire pour le bien-être du chirurgien-dentiste et de son équipe, mais ce n’est pas facile. Ce n’est pas dans notre culture : nous avons été formés pour soigner, pas pour gérer une entreprise. Les tâches administratives, liées au fonctionnement du cabinet, nous les gérons sans soucis. En revanche, il est plus compliqué de trouver le temps de répondre à des mutuelles qui font le forcing pour obtenir des informations liées au secret médical ou aux contraintes qui s’accumulent sur le plan législatif !
Parce que l’on connait tous, dans notre entourage, des chirurgiens-dentistes à bout, même chez les jeunes. Le risque de burn-out est énorme chez les chirurgiens-dentistes, qui en libéral n’ont pas de suivi de médecine du travail. Un praticien libéral, du fait de ses charges et de ses emprunts, continuera à travailler coûte que coûte. Il ne s’arrêtera que lorsqu’il sera dans le mur. On le mesure d’ailleurs encore plus chez les femmes, du fait de leur charge maternelle. Combien sont celles qui, au bout de dix ans d’exercice à peine, rêvent de jeter l’éponge. Ce n’est pas normal. Et le risque, en cas de burn-out, est aussi que le chirurgien-dentiste ne revienne pas, ce qui contribuera à accroître la problématique démographique !
Notre URPS travaille sur plusieurs pistes permettant d’aider les praticiens à sortir de la ‘’lessiveuse’’. Nous collaborons notamment avec des associations spécialisées dans le burn-out, susceptibles d’informer les chirurgiens-dentistes, de les mettre en contact avec un référent qui leur donnera les renseignements nécessaires et les orientera vers un professionnel pour une prise en charge efficace. Nous proposons également des conférences et des formations spécifiques pour sensibiliser les chirurgiens-dentistes et les aider à mieux s’organiser.
Nous avons en effet expérimenté en mars une nouvelle formation destinée à aider les chirurgiens-dentistes à redevenir maîtres de leur agenda, à établir des protocoles, à définir des priorités, à accepter de dire non à certaines demandes. L’idée première est de faire comprendre aux participants, praticiens ou assistantes dentaires, de la nécessité de changer leurs habitudes. Un déclic sans lequel rien n’est envisageable. Nous avons eu d’excellents retours. Nous essaierons donc de proposer de nouvelles sessions, voire un niveau 2 sera développé pour les participants de la première. Enfin, nous allons proposer de développer cette formation à d’autres URPS de la région.
À SAVOIR
Fatigue chronique, baisse de motivation, troubles du sommeil, anxiété, irritabilité, erreurs… Les signes de l’épuisement professionnel ne sont pas faciles à détecter. Et particulièrement dans le cadre de l’exercice libéral, non-soumis au suivi en santé au travail. C’est la raison pour laquelle l’URPS CD ARA incite tous les chirurgiens-dentistes à ne pas rester seuls dans leur souffrance et à exprimer leur mal-être.
Le réseau ASRA met à la disposition de tous les soignants d’Auvergne-Rhône-Alpes et de Bourgogne-France-Comté un service d’appel (0 805 620 133) gratuit, anonyme, confidentiel et accessible 7j/7 et 24h/24. Au bout du fil, des spécialistes (psychiatres, psychologues, addictologues, médecins du travail, juristes…) pour vous écouter, vous accompagner et vous orienter vers les professionnels susceptibles de vous aider.
Retrouvez ici notre fiche mémo sur les signes de l’épuisement professionnel.
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